Chana Orloff
Membre d'honneur
Femme, artiste, pionnière.
Sculptrice majeure du XXe siècle (1888-1968)
https://www.chana-orloff.org/
« Officiellement Hanna Orloff, devint Chana Orloff à Paris où elle arriva et s’installa en 1910, venant de la Palestine ottomane de l’époque, où la famille s’était installée en 1905 après avoir fui les pogroms d’Ukraine de 1903. »
Source https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/talmudiques/le-temps-de-chana-orloff-emission-2-2-4202157
Chana Orloff n’a jamais eu ni maître ni élève, elle occupe pourtant une place majeure dans l’histoire de l’art. Expérimentant toutes sortes de matériaux comme la terre cuite, le bois, le bronze, le ciment ou le plâtre, elle s’est imposée comme l’une des plus grandes sculptrices et portraitistes de son siècle.
Fuyant les pogroms d’Ukraine, sa famille émigre en Palestine en 1905 et s’installe à Petah-Tikva, où son père travaille comme ouvrier agricole. Chana Orloff aide ses parents en effectuant des travaux de couture, son domaine d’excellence. Venue à Paris pour se perfectionner chez le couturier Paquin en 1910, elle est reçue, l’année suivante, deuxième au concours d’entrée de l’École nationale des arts décoratifs. Parallèlement, elle travaille à l’Académie russe, pratique la gravure sur bois, puis la sculpture sur bois. Dès 1912, elle vit de sa sculpture et expose, à partir de 1913, dans les principaux salons parisiens. Ses œuvres sont présentées pour la première fois à la galerie Bernheim-Jeune, aux côtés de Matisse, Rouault, Van Dongen. Les Réflexions poétiques, ouvrage du poète Ary Justman – qu’elle a épousé en 1916 – paraissent, illustrées par des reproductions de ses sculptures. Après le décès de son mari emporté par la grippe espagnole en 1918, seule avec un enfant à charge, elle devient la portraitiste de l’élite parisienne : son œuvre en compte plus de 300. Les femmes et les enfants sont aussi au centre de son travail. Elle sculpte notamment une femme moderne, longiligne, qu’elle n’hésite pas à présenter enceinte (Femme enceinte, vers 1920). En 1923 est publié son album, Figures d’aujourd’hui, incluant 41 dessins de portraits célèbres du monde des arts (Braque, Picasso, Matisse), accompagnés de poèmes de Gaston Picard. En 1924, c’est à la galerie très huppée d’Eileen Gray qu’elle expose.
Son travail plaît : dindon, basset, autruche, poisson forment un étrange bestiaire aux lignes stylisées, facilement adopté par les collectionneurs. Les honneurs se multiplient. En 1925, elle obtient la nationalité française. Elle se fait construire par les architectes Auguste et Gustave Perret une résidence-atelier à la villa Seurat. En 1927, une première monographie, rédigée par Édouard des Courrières, est éditée par Gallimard. L’artiste expose alors à Paris, New York, Chicago. Le maire de Tel-Aviv se rend à Paris pour discuter avec elle de la création du musée de Tel-Aviv, où elle exposera en 1935. En 1937, elle est une des rares artistes femmes à participer à l’exposition Les Maîtres de l’art indépendant, 1895-1937, au Petit Palais. Dans les premiers temps de l’Occupation allemande, la sculptrice conçoit une série de petites pièces qu’elle nomme « sculptures de poche », mais elle devra fuir la France et se réfugier en Suisse en 1942, prévenue par des amis de son arrestation imminente. De retour à Paris après la guerre, elle découvre que son atelier a été dévasté par les nazis. En 1946, Retour, son œuvre présentée à la galerie de France, qui symbolise le retour d’un déporté, bouleverse la critique. À partir de 1949, elle expose dans de nombreux musées américains. Le jeune État d’Israël lui commande des monuments, comme celui en l’honneur des héros d’Ein Gev. L’artiste décède en 1968, juste avant le vernissage d’une grande exposition rétrospective au musée de Tel-Aviv, à l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire.
Catherine Gonnard
© Éditions des femmes – Antoinette Fouque, 2013